La voie énergétique de l’hiver nous enseigne le repos, la thésaurisation des forces et la réclusion. Le froid s’est installé dans les jardins désolés aux arbres dénudés. Le soleil est bas et les jours raccourcissent, la longue nuit de l’hiver est venue. Les énergies sont enfouies dans les organes profonds, il nous faut éviter toute mobilisation trop active vers l’extérieur.
L’animal gardien du nord est une tortue, dont la lenteur et la carapace protectrice illustrent la nécessité en hiver de se protéger et de se replier. Comme elle, nous avons besoin de nous reposer, nous réchauffer en nous recentrant sur nous-même, au chaud dans notre maison.
Hiver sombre, au onzième mois
au moment où la pluie et la neige sont abondantes
mille montagnes, une même couleur
dix mille sentiers, de rares passants
mes voyages d’autrefois sont tous devenus des rêves
Ma porte en herbes bien fermée
toute la nuit brûle une bûche de bois blanc
tranquillement je lis les poèmes des anciens
Le temps passe doucement, c’est la fin de l’année
sous le ciel se dépose un givre sévère
mille montagnes, les feuilles des arbres sont tombées
dix mille sentiers, les passants sont rares
toute la nuit je brûle des feuilles sèches
de temps à autre j’entends le bruit du vent et de la pluie
regardant en arrière me revient le passé
tout n’est qu’un rêve
Ryokan – Extraits – Éd.Moundarren
Mouvement de l’énergie
L’énergie de l’hiver est pesante comme de la pierre, enfouie dans la profondeurs des os et des lieux. Les animaux se protègent dans le profond des terriers et des cavernes, comme eux, le sage reste à la maison.
« Les trois mois de l’hiver évoquent une réclusion. L’eau gèle, la terre se fend, on s’abstient de travailler dehors, on se couche tôt, on se lève tard » Su Wen Chap. II.
La vérité de l’hiver est au fond de la conscience, au coeur de nos organes et de nos os.
C’est le mouvement de la descente et du retour vers le nord, foyer de toutes les mutations.
Le nord, lieu du non agir (wu wei) est aussi la matrice du yang ( comme nous l’avons vu dans le diagramme du tai ji), il fonde toute orientation.
On lui associe traditionnellement l’étoile polaire, énergie céleste de création, qui préside à l’axe central de la terre.
L’énergie de stabilité, de calme et de persévérance irradiée par cette étoile est essentielle dans la pratique des arts énergétiques taoïstes.
Nous entrons dans la matrice obscure des abysses, des transformations et métamorphoses du grand Yin, le yin de yin. La phase d’énergie descendante indique le moment du retour à l’insondable dans un temps immobile, en dehors du temps.
Pensons à ce temps très particulier de la nuit de Noël, nuit de toutes les merveilles, lors des douze coups de minuit de nos contes de fées.
Mouvements des éléments
L’hiver est sous le signe de l’élément eau et des profondeurs, de couleur noire, il désigne en médecine chinoise, l’immobilité insondable des abysses. L’élément de l’eau oscille entre l’abime du danger et le flux dynamique de la vie.
Le mouvement de l’eau dans la nature, dans ses turbulences, ses tourbillons et ses méandres, symbolise le principe de vie fluide qui nourrit les forme vivantes et circule entre elles. Le gel mobilise les forces d’érosion, de refroidissement et de durcissement.
L’eau recouvre la surface de la terre sous forme de neige et de glace. Sa puissance nous enseigne l’importance de la volonté, du respect des mouvements de la nature et de notre vie.
Ne pas s’opposer, mais accompagner les événements en conscience et avec détermination, renforce le qi du rein et préserve de la peur. « Avoir les reins solides » est une expression populaire qui traduit parfaitement la nécessité de préserver ses reins.
Le froid, de nature glaçante et condensante, est avec le vent, le principe climatique le plus offensif et agressif pour l’homme, qu’il blesse lorsque les organismes sont mal protégés. Le yang diminue dans notre corps et se tapit au plus profond de notre organisme, il faut préserver notre énergie vitale stockée dans les reins.
Le rein avec la vessie, répartit l’eau et des sels minéraux qu’elle contient, il traite et rassemble un certain nombre de déchets qui seront éliminés par l’urine.
C’est le plus yin des organes, qui correspond à la concentration maximale, au repli sur l’intérieur, presque l’isolement avec l’extérieur.
Attention, cependant à la perte de stabilité psycho-physiologique, source de dépression et d’angoisse.
Mouvements de la vie quotidienne
L’hiver est une période de moindre activité physique. Il nous faut ralentir, ne pas chercher à tout prix l’activité et l’extérieur, sans cependant s’enfermer et laisser aller à une léthargie morbide. Il est important de continuer à marcher régulièrement et recevoir toute la lumière du jour.
Mais il faut également se coucher tôt et se lever tard, sans culpabiliser, profiter de tout ce qui est confortable et chaud : fauteuils et lit, maison et feu de bois, activités paisibles.
Repos, repos, repos donc.
Prenons exemple sur nos animaux familiers qui savent économiser leurs forces.
Ne pas se disperser, mais au contraire s’astreindre à la réflexion, donner la première place aux travaux intellectuels.
Exercer sa pensée et sa vigilance préserve le corps.
Sinon la maladie risque d’apparaitre et au printemps, nous serions sans force, avec les jambes faibles. Avec le froid notre organisme est confronté à davantage de problèmes de qi. Notre corps doit fournir plus d’effort pour maintenir sa température en équilibre.
Il est important d’avoir une nourriture consistante et énergisante, durant cette phase presque végétative de réparation et de sommeil.
Nous devons consommer des aliments chauds et réchauffants et éviter les aliments de nature froide, comme concombre, courgette, ananas, radis.
Au début de l’hiver, on augmente la saveur amère : houblon, pissenlit, et l’on consomme du millet, des bouillons toniques, gingembre par exemple, pas trop piquants cependant. Attention, après une promenade au froid, on attendra au moins dix minutes avant de manger ou boire chaud.
À la fin de l’hiver, la saveur salée (modérée) est privilégiée si le qi du rein reste faible. Sinon on augmente l’amer avec, par exemple, le vinaigre de cidre, stimulant digestif et reminéralisant, le fénugrec qui tonifie l’organisme et renforce le système immunitaire.
On consommera des haricots adouci, des châtaignes, des algues et du soja, des poireaux, fenouil, pois cassés, riz, noix de cajou, sésame.
Pour ceux qui consomment des produits animaux : porc, canard, fruits de mer, roquefort et brebis sont recommandés.
Pommes, et fruits secs ainsi que des condiments réchauffants permettent de faire des desserts savoureux et de relever la saveur des plats. Ainsi le gingembre, ginseng, poivre, cannelle, anis, clou de girofle.
En énergétique chinoise, le mode de préparation d’un aliment complète son énergie propre. On peut consommer des aliments cuits très rapidement, sautés façon wok ou cuits à la vapeur.
- On tonifie donc ses pieds, par des frottements, percussions et pétrissages, on les étire le soir au coucher pour se réchauffer.
Le premier point du méridien du rein, » La fontaine jaillissante « , situé au creux de la voute plantaire, est un point de concentration de l’énergie très important. Avec lui, nous captons l’énergie de la terre. Masser ce point peut nous redonner de l’énergie en cas de fatigue. - Des exercices doux, comme la pratique du Do-In permettent d’entretenir et conserver l’énergie ancestrale stockée par le rein. Penser également à couvrir ses reins pour les garder au chaud, mais se garder de transpirer ce qui disperserait l’énergie de la peau.
- Exercices de la nuque pour se préserver du vent qui blesse les os et les tendons ainsi que du froid.
On étire la nuque en tournant la tête à gauche et à droite, une main sur le genou, une sur la tête.
On élimine ainsi le vent des articulations et les maladies du des reins/vessie et de la circulation du sang. - Si la saison est trop humide avec du vent, c’est le qi de la rate qui souffre entrainant ballonnements et lourdeurs.
Exercice privilégié : on lève les bras vers le ciel, paumes grandes ouvertes et on pousse des deux mains avec force, trois à cinq fois. Cela stabilise la rate
Attaqué par le vent et le froid, on peut se sentir désorienté et ébranlé dans ses bases. Pour éviter la peur, émotion négative du rein, on renforcera sa détermination avec des exercices de concentration et de méditation.
Les bruits de la natures sont importants pour que l’élément eau s’épanouisse en nous : aller se promener (bien couvert), écouter un concert, une mélodie, le chant des oiseaux protège nos reins.
En conclusion
N’hésitez pas à ralentir, à privilégier le cocoonning, car la voie de l’hiver nous invite à vivre « reclus » et à retrouver notre calme intérieur. La nature s’est mise au repos, comme nos forces vitales.
L’hiver est un extraordinaire moment d’apprentissage de la lenteur et du non-agir. Pour une époque qui sanctifie la performance et la vitesse, en se surchargeant de stimulations optiques, ceci n’est pas négligeable. L’hiver nous impose un moment de repos, dans un silence profond, au cœur de nous-même, le temps est suspendu, c’est la fin et le commencement de tout mouvement.
Laissez vous respirer et sentir, comme à chaque mouvement de votre cœur et de vos poumons, les bruits intérieurs s’atténuent, et comme vous sentez davantage de calme et clarté en vous.
Soignez et nourrissez vos réserves, laissez tranquillement germer, au plus profond de vous-même, les métamorphoses du printemps à venir.